TDMenu

Note sur le projet

Note sur le projet

Rencontre(s)

Trous de mémoire s’est construit autours de rencontres :

Rencontres entre Guykayser et les habitants du quartier Kennedy à Châlette-sur-Loing. Durant cette période vingt entretiens individuels ont été réalisés.

Rencontres orchestrées par le festival Excentrique entre Guykayser, plasticien, Olivier Baude, linguiste et Gérard Parésys, informaticien. Ce fut, tout d’abord, l’occasion de développer une thématique commune, l’«autoportrait collectif » avec des regards, des perspectives et des outils différents. Ce fut, ensuite, la réalisation d’une installation qui concrétisa l’aboutissement d’un travail fait de chemins qui se sont croisés et entrelacés avant de se rejoindre le 22 septembre lors de la fête du quartier Kennedy.

Le travail collectif fut organisé par Guykayser entre septembre 2011 et septembre 2012. Pendant ces douze mois les rencontres s’enchaînèrent à Châlette-sur-Loing, Orléans et Paris. Il a tout d’abord fallu expliciter et confronter la démarche de chacun. Ce dialogue s’est poursuivi tout au long du projet et ce n’est pas la moindre des réussites que d’avoir créé un espace d’échanges entre artistes et universitaires.

Portrait(s) et identité(s)

Dans cette perspective l’équipe du Laboratoire Ligérien de Linguistique (UMR 7270) – Olivier Baude, Emmanuelle Guerin, Céline Dugua et Caroline Cance – a proposé d’intervenir dans un premier temps à partir d’une réflexion sur les questions d’identité linguistique et de portrait sonore. C’était en effet l’occasion de confronter un projet central du laboratoire qui consiste à dresser le portrait sonore de la ville d’Orléans mais aussi de la Région Centre au travail de Guykayser. Pour cette étape, la discussion s’est appuyée sur les recherches en sociolinguistique comme le présente le texte Portraits : regards croisés sur l’identité rédigé par Emmanuelle Guerin et sur les réflexions méthodologiques décrites dans l’ouvrage d’Olivier Baude Corpus oraux, guide des bonnes pratiques (CNRS Editions).

C’est parallèlement à cette réflexion que Guykayser a réalisé les entretiens avec vingt habitants du quartier Kennedy et qu’il a développé le projet concret de l’installation sonore à partir d’une image collective de vingt portraits individuels. La collaboration entre Guykayser et Gérard Parésys a permis la conception du support visuel sous la forme d’une photo de 5mX3m et du système sonore permettant l’écoute simultanée des vingt récits diffusés dans des haut-parleurs intégrés au support visuel. Celui-ci devait permettre la présence de vingt participants pouvant mettre leur visage dans les
trous prévus à cet effet.

[Insérer le descriptif technique]

Une deuxième piste de réflexion collective a été provoquée par la réalisation des montages sonores des entretiens qui d’une heure chacun devait donner lieu à un récit d’une à deux minutes. Sur ce point l’équipe a préféré respecter la démarche intuitive de l’artiste. Une exploitation ultérieure est prévue sous la forme d’un travail d’analyse des opérations successives du montage sonore. Quels sont les éléments conservés et quels sont les éléments systématiquement écartés du montage (on pense notamment aux disfluences, c’est-à-dire aux marques de l’oral comme les hésitations, reprises, silences) ? Quel sont les motivations explicites et implicites des choix du monteur ? Quel est le poids de la norme linguistique dans ce travail ?

 

Portrait(s) : des paroles en image(s)

La troisième piste de collaboration était beaucoup moins prévisible et elle s’est véritablement développée au fur et à mesure de l’avancée du projet. Le cœur de cette réflexion est la forme graphique des paroles et l’impact de la réception des variations graphiques voire orthographiques. A l’origine il y a une étude du laboratoire ligérien de linguistique sur la transcription des enregistrements sonores. Dans le cadre de ce projet l’accent a été mis sur la diversité des formes graphiques que peut prendre une parole enregistrée. En effet la lecture de transcriptions de paroles spontanées, transcriptions scientifiquement rigoureuses et contenant toutes les marques de l’oral, produit inexorablement un effet de stigmatisation des locuteurs. Cet effet est si puissant qu’il peut aller jusqu’à produire une autocensure des locuteurs « Moi je ne veux pas être enregistré, je parle avec des fautes d’orthographe ».

 

L’équipe a donc entrepris un travail sur la restitution graphique des enregistrements sonores. Les linguistes se sont appuyés sur les outils et les méthodes utilisés fréquemment dans le domaine des sciences du langage. Chaque enregistrement a été transcrit par un chercheur et analysé à l’aide de logiciels de traitements du signal sonore (Transcriber, Praat, Elan). La matière sonore a ainsi été découpée en « phrases », mots, syllabes, phonèmes et décrite dans ses grandes caractéristiques phono-acoustique (fréquence fondamentale, intensité, intonation, formants etc. )

 

 

Cette nouvelle matière, formée d’une description scientifique des paroles et d’une relation temporelle entre cette description et le son lui-même a ensuite été traitée par Guykayser et Gérard Parésys à l’aide du logiciel Processing afin de produire une image visuelle exclusivement pilotée par ces informations.

  • Le spectre, vertical, en niveau de gris, défile de gauche à droite.
  • La durée du défilement est égale à la durée du fichier audio.
  • Les mots qui apparaissent devant/derrière, en suivant l’avancée du spectre viennent de la tiers 3 « Words » de Praat.
  • La position verticale de ces mots est liée à la courbe Intensity extraite de Praat.
  • La couleur de ces mots est aussi liée à la courbe Intensity extraite de Praat.
  • Un effet de « Blur » floute progressivement les gris du spectre et ces mots.
  • A droite, de bas en haut défile point par point en blanc, la courbe Pitch de Praat.
  • A droite, superposée a la courbe Pitch, la tiers 2 « syll » en phonétique de Praat s’écrit en bleu clair.
  • La taille de ces syllabes est proportionnelle au Pitch.
  • La position de ces syllabes suit la courbe Pitch.

En changeant très peu de chose dans le sketch, on peut changer ces divers constituants de l’affichage.

 

Cette partie du travail tout a fait inattendue a produit un résultat très prometteur et ouvre de nombreuses perspectives de collaboration ultérieure. C’est en effet une contribution singulière aux travaux sur la visualisation des données. Le travail conjoint d’artistes et d’universitaires se concrétisera par la poursuite d’installations artistiques et de projets culturels mais aussi par la production de conférences et d’articles scientifiques.

[Insérer le descriptif technologique]

L’installation Trous de mémoire le 22 septembre

[Le dispositif a été mis en place quelques jours avant le jour de la manifestation ce qui a permis un « vernissage » en présence des vingt participants.]

L’espace

L’espace de l’installation a été divisé en trois grandes parties, une accueillait les participants qui prenaient place derrière la photo et écoutaient le portrait sonore du personnage choisi.

 

La deuxième partie était consacrée à un espace technique : prise de vue, poste informatique pour le traitement de l’image, impression des photos.

 

La troisième partie donnait la possibilité aux participants de s’asseoir, d’écouter tous les portraits sonores en regardant un écran où défilaient les images issues du traitement graphique et plastique de l’enregistrement.

 

 

 

La participation

Lors de l’après-midi un nombre important de personnes (xxx) sont venues participer. Le temps de présence moyen était d’environ 25 minutes réparti en 10mn pour la prise de vue et 15 mn devant le dispositif visuel et/ou de discussion.

 

 

Discussion enregistrée

Le laboratoire ligérien de linguistique a également procédé à des enregistrements lors de l’après-midi. Il s’agissait de recueillir les impressions de certains participants sur l’expérience qu’ils venaient de vivre et de repérer dans la discussion les éléments linguistiques relevant de représentations sur les paroles enregistrées/écrites.

La configuration de l’espace (chapiteau partagé) n’a pas permis la réalisation d’un grand nombre d’enregistrements mais ce travail donnera lieu à une collecte ultérieure.

Conducteur de la discussion

Bonjour,
On travaille avec l’université d’Orléans et on réalise un portrait sonore de la Région centre. C’est à dire qu’on fait des enregistrements audios d’habitants de la région, on enregistre des interviews, des discours, des discussions entre amis etc. pour avoir une image sonore du français tel qu’il est parlé en 2012 dans la vie de tous les jours.

Voilà pourquoi les histoires de « trous de mémoire » c’est aussi une « image sonore du français parlé à Kennedy ici à Châlette.
On aimerait bien garder une trace de cet événement. Vous voulez bien participer en faisant une petite interview qu’on enregistre ?

 

Parlons d’abord de la photo. Est-ce qu’elle vous plait ?? qu’est-ce qui vous plait/déplait dedans ?
Représente-t-elle les gens du quartier Kennedy pour vous ?
Vous avez été pris en photo dans un des trous ?
Pourquoi vous avez choisi celui-là ?
Qu’avez-vous pensé de l’histoire, des paroles, de la voix que vous avez entendue ?
Est-ce que vous avez été surpris ? est-ce que la voix correspondait à ce que vous imaginiez?

Et ce que vous avez vu sur l’écran vous en avez pensé quoi ?
Vous avez entendu plusieurs enregistrements, Vous préférez lequel, Pourquoi ?

Je peux vous montrer différentes versions écrites d’une des histoires

1) laquelle / lesquelles préférez vous, pourquoi ?

2) pour que vous me disiez si vous les trouvez fidèles à la réalité ? belles ? étranges ? sérieuses ?


Est-ce que vous trouvez qu’on parle différemment ici à Kennedy/Châlette qu’ailleurs en France ?
OK merci beaucoup,

 

Je peux vous demander votre âge et ce que vous faites dans la vie ? Est-ce que l’on peut utiliser cet enregistrement pour l’ajouter aux autres du portrait sonore de la région centre ? c’est anonyme bien sûr, simplement il rejoindrait tous les documents du projet, cela veut dire que des chercheurs, ou des gens intéressés par le projet peuvent l’écouter sur Internet et travailler dessus.

 

 

Exemples de transcriptions :

——————–

géotechnique géologie géophysique voilà j’ai touché un petit peu à tout ce qui a rapport avec euh le terroir le sous-sol l’étude géologique tout ce qui est ben interprétation du du faciès géologique de surface et en profondeur à donc à cette époque-là ben je cumulais euh trois trois études entre géotechnique géophysique euh géologie euh bah pour faire son son trou un petit peu parce que ce type de métier il est lié au prix du baril de pétrole et à l’époque le prix du baril de pétrole était très faible nos nos professeurs nous disaient tant que le baril fera pas vingt-cinq dollars vous ne trouverez pas de boulot et donc ben j’ai joué un petit

————————————-

Voilà j’ai touché un petit peu à tout ce qui a rapport avec le terroir, le sous-sol, l’étude géologique. Tout ce qui est interprétation du faciès géologique de surface et en profondeur.

Donc à cette époque-là, je cumulais trois études entre géotechnique, géophysique, géologie. Pour faire son trou, un petit peu, parce que ce type de métier est lié au prix du baril de pétrole et à l’époque le prix du baril de pétrole était très faible. Nos professeurs nous disaient : « tant que le baril fera pas vingt-cinq dollars vous ne trouverez pas de boulot » et donc j’ai joué un petit peu les mercenaires en faisant monter les enchères.

 

—————————————-

Voilà j’ai touché un petit peu à tout ce qui a rapport avec le terroir, le sous-sol, l’étude géologique. Tout ce qui est interprétation du faciès géologique de surface et en profondeur.

 

Donc à cette époque-là, je cumulais trois études entre géotechnique, géophysique, géologie. Pour faire son trou, un petit peu, parce que ce type de métier est lié au prix du baril de pétrole et à l’époque le prix du baril de pétrole était très faible. Nos professeurs nous disaient : « tant que le baril fera pas vingt-cinq dollars vous ne trouverez pas de boulot » et donc j’ai joué un petit peu les mercenaires en faisant monter les enchères.

 

 

-116-

—————————————-